Chasse à l'aigle royal

À l’extrême ouest de la Mongolie, on s’aventure dans la région de Bayan-Ölgii pour une chevauchée de trois jours en compagnie des chasseurs Kazakhs, héritiers d’une tradition millénaire. Depuis plus de 2 500 ans, ces aigliers dressent des aigles royaux pour traquer le gibier des steppes et des montagnes, perpétuant un art de vivre à la fois rude et fascinant.

Depuis Bayan-Ölgii, on traverse l’une des régions les plus reculées du pays, vaste mosaïque de hauts plateaux, de vallées glaciaires et de sommets enneigés. Aux côtés des aigliers, on découvre un quotidien organisé autour de l’entraînement rigoureux des aigles royaux et des longues chevauchées de chasse dans l’Altai. Ici, le nomadisme n’est pas un choix mais une nécessité : à chaque saison, les familles déplacent leurs campements à la recherche de nouveaux pâturages pour leurs chevaux, yaks et moutons. Dans ce rythme immuable dicté par la nature, l’homme, l’aigle et le cheval forment une alliance vitale, reflet d’une interdépendance forgée depuis des siècles.

Les aigles, capturés jeunes dans leur nid, sont confiés à un maître unique qui les nourrit, les éduque et les entraîne méthodiquement. Capables de fondre sur une proie à plusieurs centaines de mètres, ils deviennent des compagnons de chasse fidèles, avant d’être relâchés dans la nature au bout d’une dizaine d’années par respect pour leur cycle de vie. Les chevaux kazakhs, eux, sont de petite taille mais d’une endurance hors du commun, capables de parcourir des dizaines de kilomètres chaque jour à travers cols enneigés, steppes arides et rivières glacées. Ensemble, l’aigle, le cheval et l’homme incarnent un lien d’interdépendance unique au monde.

Les saisons dictent les pratiques : en été, les aigliers forment les jeunes rapaces et transmettent leur savoir aux plus jeunes générations ; à l’automne, la chasse bat son plein et les festivals célèbrent l’adresse des aigliers ; en hiver, les sorties se font plus rares, menées dans la neige profonde des montagnes.

En chemin, on fait halte devant des sites de pétroglyphes, dont certains remontent à 11 000 ans avant J.-C., témoins silencieux des premières civilisations nomades. On s’adonne ensuite à la pêche à la truite lenok ou au taimen, poisson mythique des rivières mongoles, avant de partager un déjeuner avec une famille nomade. Ce moment simple autour d’un feu ou dans une yourte permet de s’immerger dans un mode de vie ancestral, fondé sur la transmission, la cohésion familiale et les ingéniosités nécessaires pour s’adapter aux conditions extrêmes de l’Altai.

Le soir, on rejoint un camp de yourtes installé dans les steppes balayées par le vent. À la lueur des flammes, on dîne en compagnie des chasseurs et l’on écoute leurs récits, entre souvenirs de chasse, légendes kazakhes et évocation des esprits de la montagne. Lorsque le silence retombe et que la nuit enveloppe les plaines, le ciel s’embrase d’une infinité d’étoiles avant que la chevauchée ne reprenne, au petit matin.

Une expérience rare et mémorable, à la croisée de la nature, de la culture et des grands espaces.